Approche Diagnostique, Thérapeutique et Complications des Crises Épileptiques du Chien
Lire la traduction anglaise: Work-Up, Therapy and Complications of Seizures in Dogs
Introduction
Il est important de définir la terminologie utilisée dans le contexte de cette présentation car elle joue, pour la conférencière, un rôle primordial dans l'approche diagnostique et thérapeutique des crises récurrentes chez le chien. Dans le contexte de cette conférence, l'épilepsie est idiopathique quand, après un bilan diagnostique poussé, "aucune lésion cérébrale sous-jacente ou autre signe ou symptôme neurologique n'est identifié; l'épilepsie idiopathique est présumée génétique et généralement liée à l'âge".1,2 Cette définition implique qu'un bilan diagnostique poussé comprenant une imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau et une analyse du liquide céphalorachidien (LCR) a été fait. L'épilepsie est symptomatique quand "les crises épileptiformes sont le résultat d'une ou de plusieurs lésions cérébrales structurelles identifiables".1,2 L'épilepsie est probablement symptomatique quand "l'épilepsie est fort probablement symptomatique mais qu'aucune étiologie n'a été identifiée".1,2 Cette présentation est le résultat de plus de 25 ans de pratique neurologique médicale dans un centre hospitalier universitaire où tous les cas sont référés. L'objectif est d'améliorer les connaissances du vétérinaire praticien sur l'épilepsie canine dans l'espoir d'un meilleur contrôle des crises pour finalement augmenter la longévité de ces patients.
Schéma des Crises et Diagnostic Différentiel
La crise épileptiforme est une entité diagnostique avec implications étiologique, thérapeutique et pronostique.1,2 La cause des crises est intimement reliée au modèle des crises. Ce dernier inclut la race de l'animal, son âge au début des crises, le type (focale, focale avec généralisation secondaire, ou généralisée) et la fréquence des crises. Un Doberman avec crises, peu importe son âge, est suspect pour de l'épilepsie symptomatique car les crises sont tellement rares chez cette race. La même chose ne peut être appliquée pour le Labrador retriever ou le berger allemand. En effet, si un de ces chiens est présenté à 7 ans pour une première crise, un diagnostic d`épilepsie idiopathique (EI) ne peut être fait sans considération sérieuse sur la présence d'une cause structurelle. L'épilepsie idiopathique ne devrait jamais être diagnostiquée chez un chien de 5 ans ou plus, ou de moins de 6 mois d'âge sans un bilan diagnostique poussé. L'épilepsie idiopathique/génétique du chien Finnish Spitz est une épilepsie où les crises sont focales.3 Les crises focales sont possibles avec l'EI mais ce ne sont généralement pas la règle. Dans la plupart des cas d'EI, les crises ont un début focal avec généralisation secondaire pouvant être intercalées par des crises focales.4,5,6 L'EI peut être éliminée comme cause lorsque les crises débutent en série ou par un état d'épilepsie. L'épilepsie symptomatique se présente fréquemment sous la forme de crises focales en série progressant sur une période de quelques jours à une généralisation des crises et état d'épilepsie. Chez le chien présenté en état d'épilepsie à la première manifestation de crises, une intoxication devrait toujours être considérée.7
À notre institution, les causes les plus fréquentes de crises récurrentes chez le chien, sont par ordre de fréquence, l'épilepsie probablement épileptique, les encéphalites et les tumeurs cérébrales. La tumeur la plus fréquente est le méningiome du grand chien.
Bilan Diagnostique
Pour beaucoup de vétérinaires, un diagnostique d'EI est posé lorsque les résultats sanguins et les examens physique et neurologique sont sans particularités. Un bilan diagnostique poussé avec IRM du cerveau et analyse du LCR est fréquemment perçu comme non nécessaire. Ceci est malheureusement aussi le cas dans plusieurs des études rétrospectives publiées sur l'épilepsie canine, même si les crises focales et à début focal avec généralisation secondaire sont les types de crises les plus fréquents chez le chien. Il est important de noter que la crise focale (avec ou sans généralisation) provient d'un foyer de parenchyme cérébral anormal. De plus, parmi les tests de l'examen neurologique ciblant les hémisphères cérébraux, l'état mental est le plus difficile à évaluer parce qu'il nécessite l'habilité du propriétaire à reconnaitre les changements comportementaux de leur animal. Ceci est particulièrement vrai pour le chien épileptique. L'expérience clinique démontre que les propriétaires de chiens épileptiques, avec lésions cérébrales avérées à l'IRM, sont souvent incapables d'apprécier les changements comportementaux de leur animal. Quelque soit l'âge de l'animal, il est sage de penser que la présence de crises focales ou crises avec début focal cache une lésion cérébrale. L'appareil à imagerie à faible champ magnétique n'est pas idéal dans le diagnostic de l'épilepsie canine, spécialement si l'animal est décrit comme mentalement normal par son propriétaire. La force du champ magnétique est importante car l'IRM à faible champ peut ne pas réussir à mettre en évidence de petites lésions. Il a été démontré que l'âge du chien au début des crises ne peut être utilisé pour prédire les résultats de l'IRM suggérant que même chez le jeune animal, il peut y avoir des anomalies à l'IRM. Idéalement, un bilan diagnostique incluant les examens physique, neurologique et ophtalmologique, une hématologie, biochimie et urologie, et une IRM du cerveau avec analyse du LCR devrait être fait chez tout chien présenté avec récurrence de crises focales ou crises avec début focal. Si les résultats préliminaires sont suggestifs de maladie métabolique ou néoplasique, des radiographies thoraciques (3 vues) et une échographie abdominale précèdent l'anesthésie générale nécessaire pour la neuroimagerie. Dans les maladies inflammatoires, les titres ou PCR des maladies infectieuses de la région sont ajoutées. Dans les cas 'd'épilepsie probablement symptomatique', un panel endocrinien incluant le profil thyroïdien (T4 et TSH) et un cortisol de base sont aussi faits.
Lorsque les critères requis pour un diagnostic d'EI sont appliqués de façon rigoureuse, on réalise que le syndrome n'est pas aussi fréquent. La plupart des chiens avec crises récurrentes souffrent d'épilepsie symptomatique ou d'épilepsie probablement symptomatique. Il est bénéfique pour le patient de catégoriser l'épilepsie comme étant 'probablement symptomatique' lorsque suggéré par le type des crises car cela force le clinicien à revoir le diagnostic à chaque visite médicale du patient.
Planification Thérapeutique
Les échecs thérapeutiques sont le résultat soitd'un diagnostic erroné, lequel conduira à un traitement également erroné, soit à un choix d'agent antiépileptique inapproprié, soit d'une mauvaise utilisation de l'agent antiépileptique. Le modèle des crises a un effet déterminant non seulement sur le diagnostic différentiel mais aussi sur le traitement. Dans les cas d'épilepsie symptomatique, le succès thérapeutique est intimement associé au succès du traitement de la cause primaire. Comme exemple, le méningiome cérébral d'un chien présenté pour crises doit être traité pour un meilleur contrôle des crises. Dans le cas où le traitement chirurgical n'est pas une option, un traitement anti-inflammatoire par exemple avec la dexaméthasone (0.01-0.03mg/kg/jour) potentialisera le contrôle des crises en addition de la seule utilisation de l'agent antiépileptique.
Chez tous les patients avec une EI ou probablement symptomatique, l'agent antiépileptique est le traitement primaire. Le choix de l'agent antiépileptique (AAE) est basé sur le type de crises du patient, son état de santé général et son âge, le style de vie de la famille et le coût. Les crises focales ou les crises avec début focal sont plus aptes à répondre au traitement si l'AAE cible ce type de crises. Il est aussi important de bien utiliser l'AAE en mesurant les niveaux sériques lorsque cela est disponible. Par ordre de fréquence d'utilisation, les AAEs utilisés comme traitement de maintien incluent le phénobarbital, le bromure de potassium (KBr), le zonisamide (5mg/kg q12h lorsque utilisé en monothérapie; 10mg/kg q12h si combiné au phénobarbital)9,10, le lévétiracétam (10mg/kg q8h)11, la gabapentin (10mg/kg q8h)12 et le clonazépam ou le clorazépate.
Le vétérinaire a quelque peu ignoré la qualité de vie du chien épileptique. Pendant plusieurs années, les seuls AAEs utilisés dans le traitement de l'épilepsie canine étaient le phénobarbital (1912) et le KBr (1857). Malgré leurs effets secondaires marqués, une étude récente rapporte que 82% des vétérinaires utilisent une combinaison de phénobarbital et KBr dans le traitement de l'épilepsie réfractaire du chien.13 Il y a maintenant d'autres alternatives et les propriétaires acceptent les coûts supplémentaires pour éviter les effets secondaires de ces médicaments. Même si le phénobarbital demeure un des plus puissants et des plus utilisés des AAE dans le traitement de l'épilepsie canine, au fur et à mesure que l'on gagne de l'expérience dans l'utilisation de ces nouveaux AAEs, l'utilisation du phénobarbital va diminuer. L'auteur recommande l'utilisation du KBr uniquement dans les cas d'épilepsie généralisée réfractaire lorsque tous les autres AAEs ont échoué. La longue demi-vie, la polyurie et polydipsie, et la polyphagie avec gain de poids qui s'ensuit rendent son utilisation problématique. Le lévétiracétam est efficace principalement dans le traitement des crises focales, mais son utilisation pour les crises focales avec généralisation secondaire augmente, et, dans certains cas, réussit à contrôler ces crises. Le seul effet secondaire rapporté est une somnolence légère et occasionnelle en début de traitement. Pour éviter la somnolence souvent présente en début de traitement avec les AAEs, il est conseillé d'initier le traitement graduellement, le donnant une fois par jour ou le diminuant de moitié pour quelques jours, si la fréquence des crises le permet. Le Zonisamide est efficace contre les crises généralisées et focales. L'expérience de l'auteur avec le gabapentin n'est pas concluante dans le traitement de l'épilepsie réfractaire du chien. Cependant, il peut s'avérer utile dans les cas d'épilepsie réfractaire car il est moins nocif, n'ayant pas d'interaction médicamenteuse connue, malgré tout, une somnolence légère à modérée peut être observée en début de traitement. Les benzodiazépines dans le maintien de l'épilepsie canine ont été supplantées par les plus récents AAEs. Le chien devient fréquemment réfractaire à ce groupe de médicaments.
Complications Secondaires à la Présence de Crises
La complication la plus sérieuse et fréquente des crises est le développement de l'état d'épilepsie (EE). Un pourcentage substantiel de patients avec EI ont des épisodes d'EE.14 Le grand chien épileptique est plus susceptible aux épisodes d'EE, et un traitement AE qui commence rapidement après l'apparition des crises ne semble pas diminuer le risque des épisodes d'EE.14 Une mort prématurée est rapportée chez le chien épileptique15 avec un temps de survie plus court chez les chiens qui subissent des épisodes d'EE.14
Les complications les plus fréquentes sont celles reliés aux AAEs. L'hépatotoxicité reliée au phénobarbital, fréquente dans le passé, est maintenant rarement observée. Vétérinaires et propriétaires sont bien informés de la nécessité des suivis avec niveaux sériques et profil hépatique.13 Un risque accru de pancréatite est observé avec l'utilisation du phénobarbital et/ou KBr.
L'effet néfaste et insidieux est la surcharge pondérale exagérée qui survient dès le début du traitement avec l'utilisation du phénobarbital et/ou KBr. Cette surcharge survient chez la plupart des chiens et a un effet délétère sur les articulations avec risque accru de rupture de ligament croisé et arthrose, léthargie, somnolence, ataxie et fatigue.
Conclusion
Lorsque les critères requis pour un diagnostic d'épilepsie idiopathique sont appliqués de façon rigoureuse, l'épilepsie idiopathique n'est pas aussi fréquente que ce qui est généralement pensé. Il est important d'encourager un bilan diagnostique poussé pour tout chien avec crises récurrentes focales ou à début focal. Plusieurs des agents antiépileptiques récents sont efficaces dans le traitement de l'épilepsie canine sans les effets secondaires sévères tels que ceux observés avec l'utilisation du phénobarbital et KBr.
References
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